Pré-requis - Sont supposés connus les éléments usuels de l'algèbre linéaire : structure d'espace vectoriel de dimension finie, théorème de la base incomplète, théorème du rang.
Notations - Dans toute la leçon,
- \( n \) désigne un entier naturel non nul
- \( {\mathbb K} = {\mathbb R} \) ou \( {\mathbb C} \).
- \( E \) désigne un \( {\mathbb K} \)-espace vectoriel de dimension \( n \).
De plus, fixons trois exemples qui serviront de fil rouge pour la leçon :
\( \displaystyle F_1 = \left\{(x; y; z)\in {\mathbb R}^3 ~~|~~ y = 0 \right\} \)
\( \displaystyle F_2 = \left\{(x; y; z)\in {\mathbb R}^3 ~~|~~ x-3y+2z = 0 ~\text{et}~ 2x - y +z = 0 \right\} \)
\( \displaystyle F_3 = \text{Vect}\left( (1; 2; 3); (4; -3; 1) \right) \)
1. Dualité et hyperplan
1. Définition - On appelle :
- forme linéaire de \( E \) toute application linéaire de \( E \) dans \( {\mathbb K} \).
- espace dual de \( E \), noté \( E^* \), l'ensemble des formes linéaires de \( E \).
Notons que \( E^* \) est un \( {\mathbb K} \)-espace vectoriel.
2. Définition - On appelle hyperplan de \( E \) tout sous-espace vectoriel de \( E \) de dimension \( n - 1 \).
Autrement dit, tout supplémentaire d'un hyperplan est de dimension 1.
3. Propriété - Soit \( f\in E^* \) non nulle. Alors \( \ker f \) est un hyperplan de \( E \).
En effet, \( \ker f \) est un sous-espace vectoriel de \( E \).
D'après le théorème du rang, \( \dim(\ker f) = \dim E - \text{rg}(f) = n - 1 \).
4. Théorème - Tout hyperplan est le noyau d'une forme linéaire non nulle.
De plus, deux formes linéaires non nulles définissent le même hyperplan si et seulement si elles sont proportionnelles.
Autrement dit : si \( H\subset E \) est un hyperplan, alors il existe \( h\in E^* \) telle que
\( \displaystyle H = \left\{x\in E ~~|~~ h(x) = 0\right\} \)
\( h(x) = 0 \) est appelée équation de l'hyperplan.
- \( F_1 \) est un (hyper)plan, défini par son équation.
- \( F_2 \) est une droite, définie comme l'intersection de deux (hyper)plans définis par leurs équations.
- \( F_3 \) est un hyperplan défini par une base.
2. Base duale
Notons \( (e_1, \dots, e_n) \) une base de \( E \).
Définissons pour tout \( i\in \left[\!\left[1; n\right]\!\right] \) une application \( {e_i}^*\in E^* \) en la décrivant sur la base de \( E \) par :
\( {e_i}^*(e_j) = \begin{cases}1 & \text{si}~i = j\\ 0 & \text{sinon}\end{cases} \)
1. Théorème - La famille \( ({e_1}^*, \dots, {e_n}^*) \) est une base de \( E^* \).
En conséquence, \( \dim E^* = n \).
2. À retenir - Décomposons \( x\in E \) sur la base canonique : \( \displaystyle x = \sum_{j = 1}^n x_j e_j \).
Donc pour tout \( i\in \left[\!\left[1; n\right]\!\right] \), \( {e_i}^*(x) = \displaystyle\sum_{j = 1}^n x_j {e_i}^*(e_j) = x_i \).
Nous pouvons en conclure l'écriture : \( \displaystyle x = \sum_{j = 1}^n {e_j}^*(x) e_j \).
De même, par dualité, pour tout \( f\in E^* \) : \( \displaystyle f = \sum_{j = 1}^n f(e_j) {e_j}^* \).
3. Application no1 - Déteminer une base et la base duale associé pour chacun des trois exemples.
4. Application no2 [Intégrale de polynôme]
Soit \( [a; b]\subset {\mathbb R} \) et \( x_0, \dots, x_n \) une subdivision de \( [a; b] \).
Montrer qu'il existe \( a_0, \dots, a_n \) tel que pour tout \( P\in{\mathbb R}_n[X] \),
\( \displaystyle \int_a^b P(x)dx = \sum_{i=0}^n a_i P(x_i) \)
\( \displaystyle L_i = \prod_{j\neq i} \frac{X - x_j}{x_i - x_j} \)
\( \displaystyle L_i (x_j) = \begin{cases} 1 & \text{si}~i = j\\ 0 & \text{sinon}\end{cases} \)
\( \displaystyle P = \sum_{j=0}^n P(x_j) L_j \)
\( \displaystyle {L_i}^*(P) = {L_i}^*\left(\sum_{j=0}^n P(x_j) L_j\right) \)
\( \displaystyle \phantom{{L_i}^*(P)} = \sum_{j=0}^n P(x_j) {L_i}^*(L_j) \)
\( \displaystyle \phantom{{L_i}^*(P)} = P(x_i) \)
\( \displaystyle \phi(P) = \int_a^b P(x)dx \)
\( \displaystyle \phi = \sum_{i=0}^n \phi(L_i)L_i^* \)
\( \displaystyle \phi(P) = \sum_{i=0}^n \phi(L_i) L_i^*(P) \)
\( \displaystyle \phantom{\phi(P)} = \sum_{i=0}^n a_i P(x_i) \)
3. Orthogonalité
1. Définition - Notons \( {\small < . | . >} \) l'application de \( E\times E^* \) dans \( {\mathbb R} \) définie pour tout \( (x, f)\in E\times E^* \) par :
\( \displaystyle <x|f> = f(x) \)
L'application \( {\small < . | . >} \) n'est pas un produit scalaire : elle est bilinéaire, mais pas symétrique car elle n'est même pas définie sur \( E^2 \).
Pourtant, les notions coïncident bien.
2. Définition - On dit que \( x \) et \( f \) sont orthogonaux si \( <x|f> = f(x) = 0 \).
Voici une définition qui commence à évoquer l'équation d'un hyperplan.
3. Définition - Soit \( f\subset E \). On appelle orthogonal de \( F \), noté \( F^\perp \), l'ensemble :
\( \displaystyle F^{\perp} = \left\{ f\in E^* ~~|~~ \forall x\in F, <x|f> = f(x) = 0 \right\} \)
4. Propriétés -
- \( F^{\perp} \) est un sous-espace vectoriel de \( E \).
- \( \dim F + \dim F^\perp = \dim E \).
Pour terminer et boucler la boucle, on peut réinterpréter les hyperplans !
5. Application
Soit \( H\subset E \) un hyperplan. Il existe \( h\in E^* \) tel que \( H^\perp = \text{Vect}(h) \).
Attention !
Il n'est pas fait mention du bidual dans cette leçon. C'est un choix - hautement criticable - mais le temps de l'exposé est court. J'ai préféré gagner quelques minutes pour proposer un fil rouge - les trois exemples - que l'on déroule au fur de la leçon. Cela rajoute un peu de consistance au récit.
De même, l'orthogonalité n'est peut-être pas une nécessité. Mais elle offre une autre interprétation des hyperplans, que je trouve - à titre très personnel - très joli.
Mieux encore : dans le cas d'un espace euclidien, les notions d'orthogonalité par dualité et orthogonalité par produit scalaire coïncident.
C'est le fameux théorème de représentation de Riesz.
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Solution
Utilisons les polynômes de Lagrange. Pour \( i\in\left[\!\left[0; n\right]\!\right] \), posons :
Il est clair que pour tout \( j\in\left[\!\left[0; n\right]\!\right] \),
Ainsi, \( (L_0; \dots; L_n) \) forme une base de \( {\mathbb R}_n[X] \), et pour tout \( P\in{\mathbb R}_n[X] \) :
Passons au dual.
Notons \( ({L_0}^*; \dots; {L_n}^*) \) la base associée de \( {\mathbb R}_n[X]^* \).
Remarquons que :
Finalement, considérons l'application \( \phi : {\mathbb R}_n[X] \rightarrow {\mathbb R} \) définie par :
Par linéarité de l'intégration, \( \phi \) est une forme linéaire : nous pouvons donc la décomposer sur la base duale.
En posant \( a_i = \phi(L_i) \), nous obtenons bien :