Formes linéaires, hyperplans, dualité en dimension finie.
Exemples.

Leçon 111 - Algèbre
| Vendredi 04 Avril 2025

Formes linéaires, hyperplans, dualité en dimension finie. Exemples.

Pré-requis - Sont supposés connus les éléments usuels de l'algèbre linéaire : structure d'espace vectoriel de dimension finie, théorème de la base incomplète, théorème du rang.

Notations - Dans toute la leçon,
- \( n \) désigne un entier naturel non nul
- \( {\mathbb K} = {\mathbb R} \) ou \( {\mathbb C} \).
- \( E \) désigne un \( {\mathbb K} \)-espace vectoriel de dimension \( n \).

De plus, fixons trois exemples qui serviront de fil rouge pour la leçon :

\( \displaystyle F_1 = \left\{(x; y; z)\in {\mathbb R}^3 ~~|~~ y = 0 \right\} \)

\( \displaystyle F_2 = \left\{(x; y; z)\in {\mathbb R}^3 ~~|~~ x-3y+2z = 0 ~\text{et}~ 2x - y +z = 0 \right\} \)

\( \displaystyle F_3 = \text{Vect}\left( (1; 2; 3); (4; -3; 1) \right) \)

1. Dualité et hyperplan

1. Définition - On appelle :
- forme linéaire de \( E \) toute application linéaire de \( E \) dans \( {\mathbb K} \).
- espace dual de \( E \), noté \( E^* \), l'ensemble des formes linéaires de \( E \).

Notons que \( E^* \) est un \( {\mathbb K} \)-espace vectoriel.

2. Définition - On appelle hyperplan de \( E \) tout sous-espace vectoriel de \( E \) de dimension \( n - 1 \).

Autrement dit, tout supplémentaire d'un hyperplan est de dimension 1.

3. Propriété - Soit \( f\in E^* \) non nulle. Alors \( \ker f \) est un hyperplan de \( E \).

En effet, \( \ker f \) est un sous-espace vectoriel de \( E \).
D'après le théorème du rang, \( \dim(\ker f) = \dim E - \text{rg}(f) = n - 1 \).

4. Théorème - Tout hyperplan est le noyau d'une forme linéaire non nulle.
De plus, deux formes linéaires non nulles définissent le même hyperplan si et seulement si elles sont proportionnelles.

Autrement dit : si \( H\subset E \) est un hyperplan, alors il existe \( h\in E^* \) telle que

\( \displaystyle H = \left\{x\in E ~~|~~ h(x) = 0\right\} \)

\( h(x) = 0 \) est appelée équation de l'hyperplan.

Dans les exemples proposés,
  1. \( F_1 \) est un (hyper)plan, défini par son équation.
  2. \( F_2 \) est une droite, définie comme l'intersection de deux (hyper)plans définis par leurs équations.
  3. \( F_3 \) est un hyperplan défini par une base.

2. Base duale

Notons \( (e_1, \dots, e_n) \) une base de \( E \).

Définissons pour tout \( i\in \left[\!\left[1; n\right]\!\right] \) une application \( {e_i}^*\in E^* \) en la décrivant sur la base de \( E \) par :

\( {e_i}^*(e_j) = \begin{cases}1 & \text{si}~i = j\\ 0 & \text{sinon}\end{cases} \)

1. Théorème - La famille \( ({e_1}^*, \dots, {e_n}^*) \) est une base de \( E^* \).
En conséquence, \( \dim E^* = n \).

2. À retenir - Décomposons \( x\in E \) sur la base canonique : \( \displaystyle x = \sum_{j = 1}^n x_j e_j \).

Donc pour tout \( i\in \left[\!\left[1; n\right]\!\right] \), \( {e_i}^*(x) = \displaystyle\sum_{j = 1}^n x_j {e_i}^*(e_j) = x_i \).

Nous pouvons en conclure l'écriture : \( \displaystyle x = \sum_{j = 1}^n {e_j}^*(x) e_j \).

De même, par dualité, pour tout \( f\in E^* \) : \( \displaystyle f = \sum_{j = 1}^n f(e_j) {e_j}^* \).

3. Application no1 - Déteminer une base et la base duale associé pour chacun des trois exemples.

4. Application no2 [Intégrale de polynôme]

Soit \( [a; b]\subset {\mathbb R} \) et \( x_0, \dots, x_n \) une subdivision de \( [a; b] \).
Montrer qu'il existe \( a_0, \dots, a_n \) tel que pour tout \( P\in{\mathbb R}_n[X] \),

\( \displaystyle \int_a^b P(x)dx = \sum_{i=0}^n a_i P(x_i) \)

\( \displaystyle L_i = \prod_{j\neq i} \frac{X - x_j}{x_i - x_j} \)

\( \displaystyle L_i (x_j) = \begin{cases} 1 & \text{si}~i = j\\ 0 & \text{sinon}\end{cases} \)

\( \displaystyle P = \sum_{j=0}^n P(x_j) L_j \)

\( \displaystyle {L_i}^*(P) = {L_i}^*\left(\sum_{j=0}^n P(x_j) L_j\right) \)

\( \displaystyle \phantom{{L_i}^*(P)} = \sum_{j=0}^n P(x_j) {L_i}^*(L_j) \)

\( \displaystyle \phantom{{L_i}^*(P)} = P(x_i) \)

\( \displaystyle \phi(P) = \int_a^b P(x)dx \)

\( \displaystyle \phi = \sum_{i=0}^n \phi(L_i)L_i^* \)

\( \displaystyle \phi(P) = \sum_{i=0}^n \phi(L_i) L_i^*(P) \)

\( \displaystyle \phantom{\phi(P)} = \sum_{i=0}^n a_i P(x_i) \)

3. Orthogonalité

1. Définition - Notons \( {\small < . | . >} \) l'application de \( E\times E^* \) dans \( {\mathbb R} \) définie pour tout \( (x, f)\in E\times E^* \) par :

\( \displaystyle <x|f> = f(x) \)

L'application \( {\small < . | . >} \) n'est pas un produit scalaire : elle est bilinéaire, mais pas symétrique car elle n'est même pas définie sur \( E^2 \).
Pourtant, les notions coïncident bien.

2. Définition - On dit que \( x \) et \( f \) sont orthogonaux si \( <x|f> = f(x) = 0 \).

Voici une définition qui commence à évoquer l'équation d'un hyperplan.

3. Définition - Soit \( f\subset E \). On appelle orthogonal de \( F \), noté \( F^\perp \), l'ensemble :

\( \displaystyle F^{\perp} = \left\{ f\in E^* ~~|~~ \forall x\in F, <x|f> = f(x) = 0 \right\} \)

4. Propriétés -
- \( F^{\perp} \) est un sous-espace vectoriel de \( E \).
- \( \dim F + \dim F^\perp = \dim E \).

Pour terminer et boucler la boucle, on peut réinterpréter les hyperplans !

5. Application
Soit \( H\subset E \) un hyperplan. Il existe \( h\in E^* \) tel que \( H^\perp = \text{Vect}(h) \).

Attention !

Il n'est pas fait mention du bidual dans cette leçon. C'est un choix - hautement criticable - mais le temps de l'exposé est court. J'ai préféré gagner quelques minutes pour proposer un fil rouge - les trois exemples - que l'on déroule au fur de la leçon. Cela rajoute un peu de consistance au récit.

De même, l'orthogonalité n'est peut-être pas une nécessité. Mais elle offre une autre interprétation des hyperplans, que je trouve - à titre très personnel - très joli.

Mieux encore : dans le cas d'un espace euclidien, les notions d'orthogonalité par dualité et orthogonalité par produit scalaire coïncident.
C'est le fameux théorème de représentation de Riesz.

Solution

Utilisons les polynômes de Lagrange. Pour \( i\in\left[\!\left[0; n\right]\!\right] \), posons :

Il est clair que pour tout \( j\in\left[\!\left[0; n\right]\!\right] \),

Ainsi, \( (L_0; \dots; L_n) \) forme une base de \( {\mathbb R}_n[X] \), et pour tout \( P\in{\mathbb R}_n[X] \) :

Passons au dual.
Notons \( ({L_0}^*; \dots; {L_n}^*) \) la base associée de \( {\mathbb R}_n[X]^* \).
Remarquons que :

Finalement, considérons l'application \( \phi : {\mathbb R}_n[X] \rightarrow {\mathbb R} \) définie par :

Par linéarité de l'intégration, \( \phi \) est une forme linéaire : nous pouvons donc la décomposer sur la base duale.

En posant \( a_i = \phi(L_i) \), nous obtenons bien :