Espaces préhilbertiens réels.
Orthogonalité, projection orthogonale sur un sous-espace de dimension finie.
Applications.

Leçon 126 - Algèbre
| Mardi 01 Avril 2025

 
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Les espaces préhilbertiens réels généralisent les espaces euclidiens, au sens où l'espace vectoriel étudié n'est plus de dimension finie.
Certains résultats perturent - notamment l'inégalité de Cauchy-Schwarz.
Mais la topologie sous-jacente est bien moins riche.
Notamment, nous perdons la complétude.

Dans toute cette leçon, \( E \) désigne un \( {\mathbb R} \)-espace vectoriel. De plus,
- \( n \) est un entier naturel non nul.
- \( x \) et \( y \) sont des vecteurs de \( E \).

1. Structure

1. Définition - Une application \( {\small (~.~|~.~)} : E\times E\rightarrow {\mathbb R} \) est appelée produit scalaire sur \( E \) si elle est bilinéaire, symétrique et définie positive sur E.

On note \( \lVert x\lVert = \sqrt{(x|x)} \) - ce qui est possible par positivité du produit scalaire.

La notation évoque une norme, évidemment.
Mais rien ne prouve que nous disposions de l'inégalité triangulaire.

2. Définition - Le couple \( (E, {\small (~.~|~.~)}) \) est appellé espace préhilbertien réel.

3. Exemples
a) Tous les espaces euclidiens usuels sont préhilbertiens.
Qui peut le plus peut le moins !

b) \( E = \mathscr{C}([0; 1]; {\mathbb R}) \), muni de l'application :

\( (f|g) = \displaystyle\int_0^1 f(t)g(t)dt \)

c) \( E = l^2({\mathbb R}) \) \( = \big\{ (x_n)\in {\mathbb R}^{{\mathbb N}} ~~|~~ \sum x_n^2 ~ \text{converge} \big\} \) muni de l'application:

\( (x|y) = \displaystyle\sum_{n\in{\mathbb N}} x_n\times y_n. \)

4. Propriétés calculatoires
a) Identités remarquables

\( \displaystyle \lVert x + y\lVert ^2 = \lVert x\lVert ^2 + 2 (x|y) + \lVert y\lVert ^2 \)

\( \displaystyle \lVert x - y\lVert ^2 = \lVert x\lVert ^2 - 2 (x|y) + \lVert y\lVert ^2 \)

\( \displaystyle \lVert x\lVert ^2 - \lVert y\lVert ^2 = (x + y|x - y) \)

b) Identité du parallélogramme

\( \displaystyle \lVert x + y\lVert ^2 + \lVert x - y\lVert ^2 = 2\lVert x\lVert ^2 + 2 \lVert y\lVert ^2 \)

c) Identités de polarisation

\( \displaystyle (x|y) = \frac{1}{2} \big( \lVert x+y\lVert ^2 - \lVert x\lVert ^2 - \lVert y\lVert ^2) \)

\( \displaystyle {(x|y)} = \frac{1}{2} \big( \lVert x\lVert ^2 + \lVert y\lVert ^2 - \lVert x-y\lVert ^2) \)

\( \displaystyle \phantom{(x|y)} = \frac{1}{4} \big( \lVert x+y\lVert ^2 - \lVert x-y\lVert ^2) \)

5. Théorème [Inégalité de Cauchy-Schwarz]

\( | (x|y) | \leq \lVert x\lVert \times\lVert y\lVert \)

L'égalité est obtenue si et seulement si \( x \) et \( y \) sont liés.

Ce résultat prouve par ailleurs que \( l^2({\mathbb R}) \) est bien un espace vectoriel !

6. Théorème [Inégalité de Minkowski]

\( \lVert x+y\lVert \leq \lVert x\lVert +\lVert y\lVert \)

7. Corollaire et définition - L'application \( \lVert .\lVert \) est une norme sur \( E \), appelée norme hilbertienne associée à \( (.|.) \).

2. Orthogonalité

1. Définitions
- \( x \) et \( y \) sont orthogonaux si \( (x|y) = 0 \).
- \( x \) et \( y \) sont orthonormaux si \( (x|y) = 0 \) et \( \lVert x\lVert = \lVert y\lVert = 1 \)

2. Théorème [Pythagore]
\( x \) et \( y \) sont orthogonaux si et seulement si \( \lVert x + y\lVert ^2 = \lVert x\lVert ^2 + \lVert y\lVert ^2 \).

3. Définition
Une famille de vecteurs non nuls est orthogonale (resp. orthonormale) si tous les vecteurs sont deux à deux orthogonaux (resp. orthonormaux).

4. Propriété - Une famille orthogonale est libre.

5. Théorème [Algorithme d'orthogonalisation de Gram-Schmidt]
Pour toute famille libre \( (x_1, \dots, x_n) \) de \( E \), il existe une unique famille orthonormale \( (e_1, \dots, e_n) \) de \( E \) telle que pour tout entier \( k\in[\![1\dots n]\!] \) :
- \( {\small\text{Vect}}(e_1, \dots, e_k) = {\small\text{Vect}}(x_1, \dots, x_k) \)
- \( (e_k, x_k) > 0 \)

3. Projection

1. Définition - Pour toute partie \( A\subset E \),
- l'orthogonal de \( A \) est
\( A^{\perp} = \big\{ x \in E ~~|~~ \forall a \in A, (x|a) = 0 \big\} \)  
- le bi-orthogonal de \( A \) est \( (A^{\perp})^{\perp} \).

2. Propriétés
- \( A^{\perp} \) est un sous-espace vectoriel
de \( E \).
- \( A\subset (A^{\perp})^{\perp} \)

Ces propriétés peuvent être nettement améliorées en dimension finie.
En effet :

3. Théorème - Soit \( F\subset E \) un sous-espace vectoriel de dimension finie.
Alors :
- \( F \oplus F^{\perp} = E \)
- \( F = (F^{\perp})^{\perp} \)

Cette décomposition permet d'introduire naturellement \( p_F \), la projection sur \( F \) parallélement à \( F^{\perp} \).

4. Propriété - Considérons une base orthonormale \( (e_1, ..., e_n) \) de \( F \). Alors :

\( p_F(x) = \displaystyle \sum_{i=1}^n (x|e_i) e_i \)

5. Théorème - \( \displaystyle\inf_{y\in F} \lVert x - y \lVert = \lVert x - p_F(x)\lVert \)

4. Applications

a) Minimisation

Déterminer \( a \), \( b \) et \( c \) tels que \( \displaystyle\int_{-1}^1 (t^3 - at^2 - bt - c)^2 dt \) soit le plus petit possible..

b) Polynômes orthogonaux

Soit \( \omega \in \mathscr{C}^0([0; 1], {\mathbb R}^{+*}) \). Considérons \( E = {\mathbb R}[X] \), muni du produit scalaire :

\( (P|Q) = \displaystyle\int_0^1 P(x)Q(x)\omega(x)dx \)

Les polynômes orthogonaux sont obtenus par l'algorithme de Gram-Schmidt, appliqué à la base canonique.