De manière élémentaire, une suite est une application de \( {\mathbb N} \) dans un ensemble quelconque. Tout et n'importe quoi.
Si cet ensemble image posséde une structure d'espace vectoriel, on peut doter notre ensemble de suites de la même structure en opérant simplement terme à terme sur les suites.
L'objectif de la leçon est d'étudier le comportement de ces suites quand on ajoute une norme sur l'espace vectoriel.
Autrement dit, on essaye de généraliser à un espace vectoriel normé les notions de convergences dont on dispose sur les suites réelles ou complexes.
Pré-requis
- Structure d'espace vectoriel.
- Norme sur un espace vectoriel, boule, voisinage…
- Suites à valeurs réelles ou complexes.
Notations - Dans toute la leçon,
- \( {\mathbb K} = {\mathbb R} \) ou \( {\mathbb C} \).
- \( (E, \lVert .\lVert ) \) et \( (F, \lVert .\lVert ) \) désignent des \( {\mathbb K} \)-espaces vectoriels normés.
- \( u\in E \) et \( (u_n) \in E^{{\mathbb N}} \).
Quelques exemples étudiés dans la suite de la leçon
Exemple n°1 - Sur \( ({\cal C}([0; 1]; {\mathbb R}) \), on considère la suite de fonctions définie par :
\( \displaystyle \forall n\in {\mathbb N}, ~~ t_n(x) = \begin{cases} n - x\times n^2 & \text{si}~x\in[0; \frac{1}{n}]\\ 0 & \text{sinon}\end{cases} \)
Exemple n°2 - Sur \( ({\cal C}([0; 1]; {\mathbb C}) \), on considère la suite de fonctions définie par :
\( \displaystyle \forall n\in {\mathbb N}, ~~ e_n(x) = e^{i 2\pi n \times x} \)
1. Comportement
a) Suites bornées
1. Définition - On dit que \( (u_n) \) est bornée si :
\( \displaystyle \exists M> 0 : \forall n\in{\mathbb N}, ~~~~\lVert u_n\lVert < M \)
2. Propriété
L'ensemble \( \cal B \) des suites bornées est un sous-espace vectoriel de \( E^{{\mathbb N}} \).
b) Suites convergentes
1. Définition - On dit que \( (u_n) \) converge si :
\( \displaystyle \exists l\in E : \forall \epsilon > 0, \exists N\in{\mathbb N} : \forall n\in{\mathbb N}~~~~ n>N \Longrightarrow \lVert u_n - l \lVert < \epsilon \)
Dans le cas contraire, on dit que la suite diverge.
2. Propriété et définition
Si \( l \) existe, alors elle est unique. On l'appelle limite de \( (u_n) \), noté \( \displaystyle \lim u_n \).
3. Propriété
L'ensemble des suites convergentes est un sous-espace vectoriel de \( \cal B \).
c) Attention !
Ces notions dépendent fortement de la norme utilisée sur \( E \).
Si \( E \) dispose de normes équivalentes, pas de soucis. Sinon, les pièges sont nombreux, variés et classiques !
Dans l'exemple no1 :
- pour la norme \( {\lVert .\lVert }_1 \), la suite est bornée :
\( \displaystyle \forall n\in{\mathbb N}, ~~~~ {\lVert t_n\lVert }_1 = \dfrac{1}{2} \)
- pour la norme \( {\lVert .\lVert }_{\infty} \), la suite n'est pas bornée :
\( \displaystyle \forall n\in{\mathbb N}, ~~~~ {\lVert t_n\lVert }_{\infty} = n \)
2. Continuité
Considérons une fonction \( f : E\rightarrow F \).
1. Propriété - Si \( f \) est continue en \( u \) et \( (u_n) \) converge vers \( u \), alors \( \left(f(u_n)\right) \) converge et \( \lim f(u_n) = f(u) \).
2. Application - Si \( (u_n) \) converge, alors \( (\lVert u_n\lVert ) \) converge aussi car la norme est une application continue. De plus,
\( \displaystyle \lim \lVert u_n\lVert = \lVert \lim(u_n)\lVert \)
On peut très nettement améliorer ce résultat !
3. Théorème [caractérisation séquentielle de la continuité]
\( f \) est continue si et seulement si toute suite \( (x_n)\in E^{{\mathbb N}} \) convergent , la suite \( \left(f(x_n)\right) \) converge.
3. Compacité
1. Rappels - Une partie \( K\subset E \) est compacte si de tout recouvrement ouvert on peut extraire un sous-recouvrement fini.
Elle est fermée et bornée.
Si \( f \) est continue, alors \( f(K) \) est une partie compacte de \( F \).
2. Théorème [Bolzanno-Weierstrass] - Une partie \( K\subset E \) est compacte si et seulement si de toute suite bornée de \( K^{{\mathbb N}} \) on peut extraire une sous-suite convergente.
Dans un espace vectoriel normé, cette caractérisation est souvent préférée à la définition par recouvrement ouvert.
4. Complétude
a) Suite de Cauchy
1. Définition - On dit que \( (u_n) \) est une suite de Cauchy si :
\( \displaystyle \forall \epsilon > 0, \exists N\in{\mathbb N} : \forall (p; q)\in{\mathbb N}^2~~~~ p>N~\text{et}~q>N \Longrightarrow \lVert u_p - u_q \lVert < \epsilon \)
2. Propriétés
- L'ensemble des suites de Cauchy est un sous-espace vectoriel de \( \cal B \).
- Toute suite convergente est une suite de Cauchy.
- Toute suite de Cauchy admettant une sous-suite convergente converge.
3. Propriété [Lien avec la compacité]
Soit \( K\subset E \) une partie compacte. Toute suite de Cauchy de \( K^{{\mathbb N}} \) converge.
b) Espace de Banach
Intuitivement, une suite de Cauchy a ses termes qui se rapprochent.
Mais une telle suite n'est pas forcément convergente !
1. Définition - On dit que \( (E, \lVert .\lVert ) \) est un espace de Banach si toute suite de Cauchy converge.
- \( ({\cal l}^2({\mathbb R}), \lVert .\lVert_2) \) est un espace de Banach.
- \( ({\cal C}([a; b]; {\mathbb R}), \lVert .\lVert_{\infty}) \) n'est pas un espace de Banach.
Et pour les séries ? Il s'agit d'un cas particulier de suites ! On se souvient qu'il y a dans \( {\mathbb R} \) un lien entre convergence et convergence absolue des séries. C'est, en général faux dans un espace vectoriel normé quelconque… sauf s'il est de Banach !
3. Propriété - Dans un espace de Banach, la convergence absolue d'une série implique sa convergence simple.
4. Applications
a) Théorème [Point fixe de Banach - Picard]
Soit \( (E, \lVert .\lVert ) \) un \( {\mathbb K} \)-espace de Banach.
Soit \( f : E\rightarrow E \) une application contractante.
Autrement dit, il existe \( k\in [0; 1[ \) tel que pour tout \( (x; y)\in E^2 \),
\( \displaystyle \lVert f(x) - f(y) \lVert \leqslant k \lVert x - y \lVert \)
Fixons \( x_0\in E \) et définissons \( (x_n) \) par récurrence :
\( \displaystyle \forall n\in {\mathbb N}, ~~~~ x_{n+1} = f(x_n) \)
- \( f \) admet un unique point fixe.
- La suite \( (x_n) \) converge vers ce point fixe.